Mademoiselle La Roche is here.

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Une enfance douloureuse… Une adolescence douloureuse. La douleur est le sentiment que Cassandre a ressenti le plus de fois au court de sa courte et maudite vie. Elle en fit une force, certes, mais aurait vendu bien plus que son âme pour ne pas avoir eu à traverser les épreuves qui ont détruit son existence. Néanmoins, cela l’a endurcie, et fait qu’elle possède aujourd’hui un courage assez incroyable pour une jeune femme de sa stature.
En apparence frêle et fragile, elle sait combiner douceur et candeur pour s’approcher des êtres les plus durs qui soient. Etant une femme battante, elle ne se laisse pas faire pour autant et n’hésite pas à employer les grands moyens pour maîtriser les personnes trop coriaces, même si elle doit avoir recours pour cela au mensonge, à la manipulation, au haussement de voix et, dans le cadre de son travail, aux sanctions.
Mais les gens qui la connaissent vraiment – on peut les compter sur les doigts de la main – savent que tout cela n’est qu’une carapace dure et rigide sous laquelle elle se cache pour se préserver de la violence. Car en vérité, elle est une jeune femme adorable ; généreuse et gentille. La solitude est sa meilleure amie, mais pourtant, elle aime la compagnie et les rapports humains. Elle a toujours désiré avoir une épaule sur laquelle se reposer – malheureusement, elle ne l’a jamais obtenue.
Aimable, discrète et polie, elle se fait remarquer par son calme, sa curiosité et son esprit fin et assidu. Car Cassandre possède une grande intelligence, qui pourrait rivaliser avec ceux des grands érudits de cette ère. Elle s’est toujours réconfortée dans la lecture et la philosophie, et a par conséquent une grande connaissance du monde qui l’entoure. Elle sait parler quatre langues, a étudié l’art, l’astronomie et la philosophie, et se passionne pour la littérature.
Malheureusement, elle n’a jamais trouvé son alter ego (qui aurait les mêmes préoccupations qu’elle) et pour compenser ce manque, aime aider les personnes en détresse. Elle rivalise d’audace pour pouvoir les connaître du mieux qu’elle le peut, pour ensuite trouver des solutions à leurs problèmes. Elle sait cependant que bon nombre d’êtres auxquels elle est confrontée au sein de son métier ne se laisse pas approcher aussi facilement. C’est pourquoi elle a travaillé pendant des années sur les relations humaines, pour pouvoir en faire désormais son domaine de prédilection. Elle est une psychologue particulièrement douée, et aime son travail, qui lui permet d’entretenir des rapports privilégiés avec ses patients. Courage et détermination, voici ses maîtres-mots.

On peut dire que Cassandre n’est pas désagréable à regarder. Une silhouette fine, svelte, gracile et bien proportionnée, des formes élégantes… Il est vrai que la plupart des hommes se retournent sur son passage ; mais elle préfère ne pas y faire attention. Elle s’habille assez simplement, ne désirant pas se faire remarquer, et revêtit souvent jupes et tee-shirts aux couleurs claires. Assez féminine, elle se farde légèrement les joues et pour certaines occasions utilise du rouge à lèvres pour souligner leur forme. Mais tout cela n’est pas criard, ah non, elle essaie d’éviter ceci le plus possible, voulant rester dans la simplicité. Néanmoins, son visage angélique attire la gente masculine, et elle ne peut rien faire contre. Ses iris bleu limpide, sa longue chevelure dorée, sa délicate peau opaline, son nez fin et son visage en cœur, elle les aurait bien troqués contre quelque chose de moins remarquable. Mais tant pis, elle est née comme ça, et ne peut pas blâmer Dieu de lui avoir accordé un physique non reniable. Après tout, c’est peut-être pour se faire pardonner de lui avoir attribué une existence aussi maudite que la sienne…

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Cassandre commit son unique meurtre à la naissance, le sept avril mille neuf cent quatre-vingt-six. Elle tua sa pauvre mère à l’accouchement, et d’ailleurs, son affreuse grand-mère paternelle ne s’est jamais retenue de le lui rappeler (du moins jusqu’à ce qu’elle périsse dans un accident de la route). Longtemps, Cassandre s’est interrogée sur cette mère qu’elle n’avait jamais connue ; mais la seule chose sur elle qu’elle apprit, ce fut qu’elle était une très jolie femme. Son père lui avait laissé une photo. Oui, juste une petite photo, prise en été, alors que le Soleil dardait ses rayons bienfaiteurs sur la pelouse où Candice de La Roche était allongée, souriante. Quand Cassandre interrogeait son père pour tenter d’en savoir plus sur sa génitrice, il changeait brusquement de sujet – et ce à chaque fois qu’elle s’était risquée à poser des questions. Elle mettait cela sur le compte de la tristesse, car elle savait que Jean de La Roche aimait beaucoup son épouse, mais en réalité, elle aurait désiré tout savoir sur sa défunte mère.

Cassandre grandit donc dans l’ignorance, accompagnée d’un père muet et abattu et d’une horrible grand-mère qui lui servait de nourrice. Quand celle-ci mourut, alors que la petite fille n’avait que onze ans, Cassandre devint pensionnaire dans un collège privé de la banlieue de Lyon – cela ne fit qu’accentuer la distance morale qui la séparait de son père. Les La Roche vivaient modestement (ils avaient épuisé la fortune colossale amassée par leurs nobles ancêtres depuis bien des générations) mais Jean avait misé beaucoup sur l’éducation de sa fille. Sa fille qu’il connaissait si peu, détruit par un deuil qu’il n’avait jamais fait. Avec elle, il se comportait gentiment. Il ne lui parlait pas très souvent, mais il l’aimait, et il savait que Cassandre aussi l’aimait, malgré tout. Il savait qu’elle le comprenait, car elle était une petite fille intelligente. Oui, d’ailleurs, il pensait qu’elle ferait un très bon métier, plus tard. Il espérait qu’elle serait heureuse, plus que lui, simple employé de banque dans le sud de la France, veuf, et pas très compétent dans son rôle de père…

Cassandre, elle, ne se plaignait pas d’être cloîtrée en permanence entre les murs de son collège. Elle pouvait y étudier dans de bonnes conditions, et appréciait cela. Elle aimait travailler. Elle avait de bonnes notes, et se complaisait dans cette vie où, malgré tout, le rappel de l’absence de son père et de la mort de sa mère assaillaient son esprit au quotidien. Elle faisait avec, était née comme ça, et ne voulait pas se plaindre. Elle voulait être forte, pas comme toutes ses nunuches de camarades qui fondaient en larmes après s’être fait une petite égratignure en tombant dans les escaliers. Mais il y avait d’autres filles, comme elle, qui étaient gentilles et avec lesquelles elle était très complice. Cassandre était pourtant très solitaire, mais appréciait les rapports qu’elle entretenait avec ces amies là. Côté garçons, par contre, elle essuyait souvent des remarques du genre « Pas mal » accompagnées de sifflements approbateurs quand elle traversait la cour de récréation, mais la jeune fille n’osait pas trop s’approcher de ces membres du sexe masculin qu’elle connaissait si peu.

Ses uniques relations, elle les entretenait avec des filles. Elle ne savait pas ce que s’était, de tomber amoureuse. Mais elle l’apprit bien vite quand un nouveau collégien arriva, et que son cœur fondit pour lui. Leur histoire dura un an, puis il la quitta. Ensuite, elle fut triste, mais enchaîna les petites amourettes pas vraiment sérieuses. Tout allait bien, dans sa vie. Mais son père, si distant, lui rappelait qu’elle n’avait pas de mère pour la consoler…

Quand ses quinze ans pointèrent le bout de leur nez, son père fut muté en Angleterre, où le poste de directeur d’une banque dans la City de Londres lui avait été proposé. Il avait accepté, évidemment, et avait annoncé cela à sa fille lors d’un repas. Lors de ce dîner, elle versa quelques larmes, ce qu’elle n’avait pas fait depuis plusieurs années. Certes, Londres ne lui déplaisait pas, elle avait toujours adoré les cours d’Anglais qu’on lui enseignait au collège, et savait qu’elle se plairait au sein de la civilisation britannique. Mais l’idée de devoir quitter ses amies lui brisa le cœur. Elle était en pleine adolescence, ce qui n’arrangea pas du tout la situation.

Néanmoins, une dizaine de jours plus tard, elle dut se résoudre à dire au revoir à Lyon et à prendre un avion pour Londres. Ce voyage en avion, elle ne l’oublia jamais ; car c’est au cours de celui-ci que son père décéda. Quand l’appareil avait décollé, elle avait tout de suite remarqué que quelque chose n’allait pas ; elle avait déjà voyagé à bord de ces engins, et normalement, le bruit des réacteurs n’était pas aussi assourdissant. La chose empira quand ils passèrent au dessus de la côte Normande ; les stewards commencèrent à s’affoler, et de la fumée bien trop sombre et opaque s’échappa des moteurs. Après quinze minutes d’hystérie puis d’horreur ; l’avion entama sa chute vers la Manche, et s’écrasa dans l’eau vers vingt-deux heures. C’était un sept avril. Le jour de son anniversaire. Le jour de la mort de sa mère. Le jour du décès de son père. A partir de ce moment, le sept avril fut le jour qu’elle détesta le plus au cours de l’année. Le jour maudit.

La grosse centaine de passagers que contenait l’avion périt, ce soir là. Tous, sauf Cassandre, elle et un petit garçon qu’elle sauva, en l’emmenant à la nage jusqu’à un bout de tôle noircie qui flottait à la surface de l’eau. Le garçon, au cours de cette soirée, était devenu orphelin, et elle aussi. Animée par une rage de vivre dépassant la raison, elle s’était cramponnée au mince espoir de survie qui lui restait… Et elle avait gagné. Les quelques heures qui suivirent le crash furent les plus horribles de sa vie. La Manche était particulièrement agitée, et plusieurs fois, leur bout de tôle manqua de chavirer, emporté par d’immenses vagues. Le petit garçon pleurait contre son sein. Elle, elle n’avait même pas la force de pleurer. Quand enfin l’hélicoptère des secours pointa son nez à l’heure du Soleil levant, elle sentit que son combat pour la vie avait été récompensé.

Elle fut accueillie comme une héroïne à son retour sur la terre ferme, en Angleterre. Pendant plus d’une semaine, elle fit la une des journaux nationaux comme « L’adolescente qui a survécu au crash et qui a sauvé le petit garçon ». Les services sociaux firent tout pour la garder sur le sol britannique, et elle dut accepter la proposition qu’ils lui firent d’intégrer une des meilleures familles d’accueil du Royaume-Uni. Malheureusement, sa toute nouvelle notoriété s’estompa bien trop vite, et les services sociaux la placèrent dans une famille moins chère, et par conséquent beaucoup moins compétente. Le père était alcoolique, la mère était un tyran né. Et dire qu’ils s’étonnèrent de sa disparition le soir de sa majorité … !

Malgré tout, Cassandre ne lâcha rien, et fit de brillantes études. La double nationalité lui fut accordée après trois ans passés sur le sol anglais, et elle put obtenir un logement directement après sa fuite de la famille d’accueil. Un studio, certes, mais situé dans un quartier calme, où elle put se consacrer entièrement à son travail. Elle entra à l’université, et se spécialisa dans la psychologie, domaine où elle était particulièrement douée. Elle n’avait plus d’amis, plus de petit copain, mais avait décidé que sa vie sociale viendrait après qu’elle aurait trouvé un bon travail.

Cassandre entra dans un asile à l’âge de vingt trois ans (non pas comme patient, mais comme psychologue !), mais cela lui déplut fortement. Elle n’aimait pas les fous, préférait les gens normaux. Ceux qui avaient des problèmes, et qui avaient besoin qu’on les aide, qui pouvaient encore recouvrer une vie normale… C’est pourquoi elle fut recrutée par l’expérience du manoir Mayfair, après sa démission de l’hôpital psychiatrique. C’était moins bien payé, mais beaucoup plus intéressant.

Ici, elle espère pouvoir aider ces jeunes qui ont grandement besoin de gens comme elle. Elle espère simplement qu’ils ne seront pas trop difficiles, mais après tout, elle sait être dure et stricte. Car la vie lui a appris qu’il fallait être combattant, si on voulait avoir une chance de survivre dans les meilleures conditions...

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