Mettre le feu à une forêt, c'est cool ? Naaaah !

« Feu, feu, joli feu, ton ardeur nous réjouit. Feu, feu, joli feu, monte dans la nuit. »

C'est une chanson que je chante tout le temps, cette fois c'est en déambulant dans les couloirs de ce manoir. Déjà une semaine que je suis ici, j'aime pas cet endroit. Mais je suis certaine qu'avec un peu de flammes partout, ce serait magnifique ! Ils sont quand même pas clair ici, ils m'ont pris mes briquets et mes allumettes.. Tout ça parce qu'ils pensent que je risque de tout faire cramer d'un jour à l'autre.. C'est vrai que j'y songe, ça serait trop marrant ! En plus ce manoir il est très grand, ça ferait des grandes flammes et je suis certaine que les autres pensionnaires aimeraient bien voir ça. Mais bon, pour le moment, je reste calme, parce que je n'ai pas trop le choix.

Sortant du bâtiment, je me rend à l'extérieur, je sais pas encore où je vais, mais j'ai envie de prendre l'air. Je sors un paquet de clope de ma poche, j'en prend une et la porte à mes lèvres avant de l'allumer avec un briquet que j'ai réussie à récupérer. Bah j'allais quand même pas me priver de fumé pour eux quand même.. Et promis, je ne mettrais pas le feu aujourd'hui, enfin je crois. Rien n'est jamais sûr avec moi ! Enfin, c'est ce que mon père disait, même qu'il pensait que j'étais folle, mais maman disait que ce n'était pas l'entière vérité. Non, elle pensait que j'étais perturbé à cause du manque d'affection.. Je l'aime ma mère, mais elle a jamais rien compris à la vie la pauvre femme.

En plus, elle n'a émit aucune opposition lorsqu'ils m'ont envoyés ici.. Je comptais sur elle pour qu'elle me défende et soutienne que je n'étais pas folle, mais elle n'en a rien fait. Depuis, je refuse de lui parler, et mon père, j'en parle même pas. Je veux pas le revoir, il est pas gentil ! A mon avis, c'est de sa faute si j'en suis là aujourd'hui.. Pourquoi ? J'en sais rien, mais c'est possible dans le fond. Finalement, je me rend à la forêt, j'aime bien, c'est calme ! Cigarette en main, je continue de fumer ma clope tranquillement en entrant dans ce lieu de verdure. N'allant pas très loin, je m'arrête et m'assoit contre un arbre. J'attrape une feuille et commence à la bruler à l'aide de ma cigarette, je comprends pas pourquoi les gens ont peur du feu.. Je m'amuse ainsi pendant quelques minutes jusqu'à ce que j'entende des pas qui se dirigent dans ma direction. Je range immédiatement mon briquet et prend un air innocent afin de ne pas me faire surprendre en train de faire n'importe quoi.

Il était tard. Cassandre venait de quitter son bureau, et avait fait escale dans sa chambre avant de se rendre compte qu'elle n'avait rien à y faire. Sa connexion Internet ne se portait pas très bien, elle venait de finir de lire le dernier livre qu'elle avait apporté avec elle au manoir... D'ailleurs, il faudrait qu'elle retourne à Londres et qu'elle trouve une librairie ou une bibliothèque, car elle sentait qu'elle ne tiendrait pas longtemps sans sa dose de lecture quotidienne. Soit ! Elle n'avait pas envie de rester dans cette petite pièce inintéressante à ne rien faire. Elle était donc sortie, et avait hésité à rendre visite à un des éducateurs ou à un professeur. Elle avait bien été tentée de passer saluer Nikolaï, mais s'était ravisée quand elle avait bien été obligée de constater qu'il n'était pas dans sa chambre ...

Alors, tant pis, elle était sortie du manoir et se baladait dans les jardins de la propriété. Des pensionnaires traînaient encore dehors, bavardant avec leurs amis ou somnolant sur le gazon frais qui tapissait le sol. Cassandre se faisait la plus petite possible, ne désirant pas se faire remarquer ; car après tout, les élèves n'avaient pas besoin de savoir ce que leur psychologue faisait en dehors des heures de travail. Songeant à cela, la jeune femme poussa un petit soupir. Ici, c'était plus difficile que ce qu'elle avait prévu quand elle avait accepté ce poste au manoir Mayfair. Les pensionnaires se montraient tous plus réticents les uns que les autres avec elle et la repoussaient à chaque fois qu'elle désirait en apprendre un peu plus sur eux. Alors, quand un d'entre eux acceptait de faire la conversation et de répondre à ses questions, elle était tout à coup très heureuse. Malheureusement, cela n'arrivait que très rarement. La plupart de ces délinquants avaient de sérieux et réels problèmes, et ne voulaient pas qu'on les aide... Ils avaient grandement tort. Surtout que Cassandre n'était pas là pour les juger. Et d'ailleurs, elle tentait d'être la plus amicale possible avec eux. Mais rien n'y faisait.

L'ennui s'empara d'elle quand elle franchit la lisière de la forêt. Il n'y avait rien d'intéressant à voir. Tous les conifères étaient identiques, et le silence environnant était clairement pesant. Elle n'allait pas rester longtemps ici, et tant pis, elle retournerait dans sa chambre, et ne ferait rien. Elle regarderait peut-être la télévision, même si les émissions de divertissement qui passaient à cette heure ci n'avaient vraiment aucun intérêt à ses yeux.

Tout à coup, Cassandre détecta la présence de fumée dans l'air. Son odorat fin l'en avait averti, et elle en déduisit tout de suite que quelqu'un fumait. Un adulte ? Non, elle ne connaissait aucun surveillant ou professeur qui fumait. Alors, c'était un pensionnaire. Tout en continuant à se frayer un chemin entre les arbres et les ronces, la psychologue parvint à apercevoir une longue chevelure brune entre les feuillages. La jeune fille a qui elle appartenait semblait aussi avoir détecté sa présence car elle tournait la tête dans toutes les direction pour savoir qui l'avait interrompue dans ses méfaits… Si c’étaient bien des méfaits dont il était question.

Cela ne servirait à rien de se cacher. De fait, Cassandre se montra à la lumière, dans la petite clairière où se trouvait la jeune fille. Tout en continuant à marcher comme si de rien n’était, elle jeta un coup d’œil sur sa droite et remarqua un sapin où elle s’adossa ensuite. L’arbre était planté en face de celui contre lequel était accroupie la jeune fille, et c’est pourquoi la psychologue put relever la tête pour la regarder ; celle-ci avait fait de même avec elle et la dévisageait sans aucune gêne apparente. Quand les yeux limpides de l’adulte croisèrent ceux de la pensionnaire, Cassandre la reconnut tout de suite. Maïana Morgan. Elle se souvenait très bien d’elle, cette jeune fille au franc parler avec qui elle avait eu un entretien quelques jours seulement auparavant, une semaine tout au plus, le jour de l’arrivée de la jeune fille au manoir.

Celle-ci souffrait gravement de pyromanie, et cela n’était pas vraiment minime. Non, d’après ce que Cassandre avait compris, Maïana avait en permanence envie de brûler tout ce qui l’entourait, à un point que ça devenait une torture pour elle-même. La psychologue avait essayé d’en savoir un peu plus sur elle, pour essayer de déceler d’où lui venait ce problème, mais comme à peu près tous les pensionnaires, elle avait brillamment ignoré sa question pour enchaîner sur un autre sujet pas vraiment intéressant.

S’armant d’un petit sourire ironique, Cassandre déclara, sans lâcher la jeune fille des yeux ;

- Oh, tiens, miss Morgan aurait-elle prévu de mettre le feu à cette forêt ?

Elle qui voulait vraiment être tranquille, c'est raté ! En plus il a fallu que ce soit la psychologue qui vienne perturbé ce petit moment.. Ouais, ils sont toujours là au moment moment eux.. En plus, elle n'a même pas envie de lui répondre ou encore pire, de passer toute la journée avec Cassandre de La Roche. Pourtant dans le fond, elle l'aime bien. C'est vrai, même si elle lui pose toujours des tonnes de questions, Maïana est capable de les éviter en changeant de sujet à la vitesse de l'éclair. Et puis là, elle n'est pas dans le bureau de la psychologue, alors elle n'est pas obligé de lui répondre. Sauf que sa question fit sourire la jeune femme. Oh ! Pas un sourire machiavélique ni rien dans ce genre là, mais plutôt un sourire d'ange, innocent d'une personne tout à fait normal. Elle ancra ses prunelles noisettes dans celles de la jeune femme.

« Pourquoi dites-vous cela ? Vous me croyez vraiment capable de faire une chose pareil ? » Un petit son plaintif franchit ses lèvres, comme un animal blessé. C'est certain, elle joue la comédie, ça ne fait aucun doute, mais ça l'amuse réellement..

Continuant de fumer sa clope, elle recrache la fumée lentement avant que son regard ne dérive un peu partout dans la forêt, comme incapable de resté fixe sur un point. C'est à ce moment là, en général, que les crises reviennes et qu'elle a cette envie ardente de mettre le feu à un endroit. Et la forêt, ça peut être très beau, surtout avec tout les arbres qu'il y a.. Elle essaie de mettre cette idée de côté, soufflant un bon coup en écrasant sa cigarette sur le sol, elle se relève ensuite et fait quelques pas.

« Vous n'avez pas autre chose à faire ? J'étais bien toute seule et il faut que vous veniez perturber ce petit moment. »

Son intention n'est pas de faire culpabilisé la psychologue, loin d'elle cette idée. Mais elle aime bien faire comme si de rien n'était alors que son envie est d'être seule pour mettre le feu à cette forêt qui semble lui faire les yeux doux. C'est plus qu'une obsession chez elle, c'est un besoin quasi vitale. Il faut que quelque chose prenne feu, sinon, elle se sent extrêmement mal. Mais la jeune femme ne semble pas prête de quitter les lieux, ce qui complique les choses du côté de Maïana. Après un haussement d'épaule, elle glisse ses mains dans ses poches, ce qui contient un petit peu ses pulsions, mais que très doucement seulement.