Zach Taylor

Delta

La nuit... Une belle nuit noire... Une nuit sans lune... Une de ces nuits où tout est calme. Tout d'ailleurs est trop calme... Mais cela ne gène personne dans ce petit village du Yorkshire. Ici, on a l'habitude que tout soit calme... Il fait nuit très tôt, on est en hiver. Il est à peine huit heures du soir. Moi je rentre chez moi en sifflotant. J'étais aller à une fête d'anniversaire chez mon meilleur ami. Alors je rentre un peu tard. Ma mère m'avait dit de rentrer à dix-neuf heures et demi parce qu'elle trouvait que sinon cela faisait trop tard pour un gamin de 10 ans...

J'avais froid et je me dépêchais de rentrer pour éviter de trop me faire gronder. Mais j'avais déjà une raison toute prête... Mon meilleur ami avait engagé un magicien à 19 heures... Je pouvais pas repartir en plein milieu du numéro ! J'étais persuadé que cette excuse marcherait... Je n'avais juste pas penser que je n'aurais même jamais eu besoin de la moindre excuse... La maison de mes parents n'étaient pas loin de celle de mon meilleur ami. Je suis arrivé cinq minutes après être parti de sa fête d'anniversaire à regrets.

Je me souviens encore parfaitement de ce moment là... J'avais poussé la petite porte du jardin. La buée s'échappait de ma bouche dans la nuit glacée. J'avais emprunté le petit chemin de dalles qui menait jusqu'à la porte d'entrée de ma maison à travers le jardin habituellement plein de fleurs printanières de ma mère. J'avais avancé deux mètres sur le chemin puis je m'étais arrêté net. Là, il y avait quelque chose d'anormal... La porte de ma maison était grande ouverte et la lumière de l'intérieur brillait sur le pallier.

Je suis entré doucement chez moi, passant la tête par le cadre de la porte. Je ne comprenais pas. J'avais un peut peur. Faiblement, j'appelais ma mère et mon père. Je demandais s'ils étaient là. Je n'ai jamais eu de réponse... La seule réponse que j'ai eu c'était des bras qui me tirèrent violemment en arrière alors que je criais de surprise et de peur. Puis, un mouchoir humide m'empêcha presque de respirer. Cela sentait fort, comme s'il était imbibé de produit chimique. Puis, plus rien. Je me suis endormi...

Je me suis réveillé sur un lit que je ne reconnaissais pas d'abord. J'étais nu. J'étais attaché au montant du lit et un homme tout aussi nu était sur moi. J'avais encore l'esprit embrumé. Je ne me souvenais plus de rien. Je ne comprenais même pas ce qui se passait. Puis il y a eu des cris. Des "Police, arrêtez et mettez les mains en l'air" retentissaient dans toute la pièce et me faisaient grimacer... L'homme fut éjecté du lit et on me détacha. Moi, je me sentais toujours dans le brouillard le plus complet... Je n'ai su que plus tard que cet homme m'avait violé et avait tué mes parents qui agonisaient dans leur sang au salon...

Après cela, on m'avait envoyé dans une famille d'accueil. Je n'ai jamais pu ouvrir la bouche une seule fois avec mes nouveaux parents d'adoption. Et pourtant je souriais. Je n'avais juste rien à dire. Je voulais juste mes parents. Mais j'ai changé de famille d'accueil. Ils n'aimaient pas mon mutisme... Ils m'ont intégré dans une nouvelle famille. Et j'ai parlé. J'ai compris que je devais parler pour faire plaisir aux gens même si je n'avais pas envie de le faire...

J'ai grandi et j'ai fini par avoir 18 ans. Les gens commençaient à s'intéresser à moi. Les filles comme les garçons... Ils me tournaient autour. Moi je n'en avais rien à faire. Les deux m'allaient bien et je voulais leur faire plaisir... Mais il s'est passé quelque chose de bizarre... Je me suis fait embarqué dans une affaire étrange. Une fille m'avait séduit. Moi j'avais accepté d'être avec elle. Cela m'allait bien. Et puis ça lui faisait plaisir, c'était l'essentiel... Sauf que la rumeur dans le lycée disait qu'elle sortait aussi avec le capitaine de l'équipe de Baseball. Je lui faisais confiance alors je n'avais jamais rien dit... Le problème c'est que j'étais inscrit dans ce club de baseball de l'école. J'étais plutôt bon dans ce sport. Et puis ma nouvelle famille disait que les garçons faisaient ça et que cela m'aiderait à m'intégrer alors j'ai accepté de le faire.

Puis, un après-midi, notre équipe et moi avions entraînement de baseball. Il avait manqué un des joueurs à l'entraînement, le capitaine de l'équipe. Pour le couvrir, on avait dit qu'il était malade. Mais ce n'avait pas été le cas... J'avais laissé ma batte au vestiaire et je ne l'avais pas rangé. Je me souviens que l'entraîneur m'avait dit que je serais au lancement de la balle et que je n'avais pas besoin de prendre ma batte. Alors j'étais sorti du vestiaire sans elle et j'avais commencé l'entraînement comme les autres.

Puis, en plein jeu, je m'étais fait remplacé parce que j'avais soif. J'étais rentré au vestiaire dans l'optique de me désaltérer dans les robinets de la salle d'eau... Et puis là, je l'ai trouvé. Le capitaine de l'équipe. Il était étendu de tout son long sur le sol, baignant dans sa propre marre de sang. J'étais pétrifié, je ne savais plus quoi dire. J'ai vu ma batte sur le sol à côté... Elle était un peu abimée au bout et il y avait du sang dessus. J'ai voulu vérifié si c'était la mienne alors je l'ai ramassée et je l'ai inspectée. C'était bel et bien la mienne.

Puis je suis resté là, regardant le cadavre avec horreur, la batte pendant le long de mon bras... Je le voyais en tenue de baseball, il avait encore sa propre batte dans sa main serrée par une lividité cadavérique... On a finit par me voir dans cette position. Un joueur qui était venu me chercher à la demande de l'entraîneur qui avait trouvé que je mettais trop de temps... J'étais toujours pétrifié devant son cadavre, incapable de faire le moindre mouvement ou de dire le moindre mot... Ils ont appelé la police et j'ai été arrêté. Moi je suis retombé dans un mutisme profond.

Je savais que je n'avais rien fait mais j'avais toutes les preuves contre moi. Mon avocat lui prônait la légitime défense. Il avait eu raison de le faire car en épluchant le journal intime du capitaine de l'équipe mort, on a découvert qu'il avait été largué par ma petite amie le lendemain du soir où elle m'avait séduit. Depuis, il avait nourri une haine contre moi sans me le dire ou que je m'en aperçoive... Alors mon avocat avait annoncé devant la cour qu'il avait voulu passer à l'acte et me tuer et que je m'étais défendu avec ma batte...

La cour l'a cru mais on m'a tout de même condamné pour l'avoir tué. Dans cette optique c'était logique. D'autant que je n'avais pas parlé une seule fois de tout le procès... Je ne pouvais rien dire de toute manière... Je pourrais me battre autant que je voulais, personne ne me croirait... Alors je n'ai rien dit... Il n'y a qu'une fois ma condamnation prononcée que je me suis mis à sourire et a reparlé... J'étais content, je m'en sortait plutôt bien... Les autres me prenaient pour des fous.

Je suis allé en prison. Ma famille d'accueil ne m'a jamais revu... Je crois qu'ils m'ont abandonné à mon sort et qu'ils ont été déçu par mon meurtre par légitime défense. Je ne pouvais pas leur en vouloir, c'était compréhensible... Alors j'ai essayé de me faire une petite place en prison. Les autres ne me faisaient pas trop de mal, je ne faisais que sourire. Je crois que cela leur redonnait le moral. Alors ils ne me touchaient pas.

Puis il y a eu cette proposition... Ce manoir qui ouvrait pour réinsérer les jeunes délinquants... Pour les "remettre dans le droit chemin"... J'ai accepté d'y aller. Ce serait toujours mieux que la prison. Et puis le cadre était sympathique... Et puis, ils étaient là pour nous aider... Pas nous traiter comme des moins que rien comme les gardiens le faisaient. Alors j'y suis allé... Mais j'avais un peu peur de ce qui m'attendait... Les jeunes délinquants même les plus innocents étaient bien pire que les adultes dans les prisons... Alors je suis retombé dans mon mutisme... Les gens nous laissaient tranquille lorsqu'on nous parlait pas... Je le savais bien pour l'avoir expérimenté...

Le silence... Une arme bien efficace contre la violence... Juste un sourire et un visage angélique... Ça suffisait amplement...