`They should have named me Skye Sabotage...

Il parait que l’on peut décrire les gens avec un seul mot. Un seul, oui. Quelques syllabes, une poignée de lettres pour découper au scalpel un être tout entier. Pour Skye, ce mot serait sans doute « Sabotage ». Le paradoxe, dans ce mot, c’est qu’il est équilibré. Quatre consonnes, quatre voyelles, pas de doublons, rien qui ne se répète. Et puis, il sonne bien… Vous ne trouvez pas ? Allez-y, amusez-vous , prononcez-le à voix haute. Plus fort. C’est un joli mot. Il est amusant. Et il va bien avec Skye. Skye Sabotage, plus qu’un pseudo, une identité, un nom de code pour cette gamine stéréotypée et perdue. Un peu barge, un peu lucide, un peu naïve, un peu désillusionnée… Paradoxe ambulant et stéréotypé d’une adolescente qui se perd et s’égare, s’abîme en des mers déchainées et s’échoue sur des terres hostiles. Skye est comme tout le monde, mais le problème, c’est que ce monde la répugne. Elle se répugne. Elle connait ses défauts, ainsi que ses peurs… mais ce n’est pas pour autant qu’elle fait partie de la catégorie des forts. Un peu sadique, un tantinet manipulatrice, elle sait avoir ce qu’elle veut… encore faudrait-il qu’elle arrive à se décider. Elle aime faire mal. Se faire mal aussi. Elle aime se prouver qu’elle est vivante, qu’elle souffre et donc ressent. Comportement extrême et pathétique, extrêmement pathétique, aussi… A croire qu’elle porte toute les tares de sa génération. Consciente de son aura fascinante et de ses atouts physiques, elle peut se montrer sibylline et cruelle, une petite succube, en somme. Mais ne vous y trompez pas, vous n’avez pas à faire à une catin de luxe, une poule entretenue… Skye est indépendante, et même si c’était plus par obligation que par choix, elle sait se débrouiller depuis des années. Elle connait la rue, elle connait le froid, la faim et la violence. Elle sait se battre, elle sait tuer, elle sait torturer pour se venger… Elle n’a que seize ans, mais oubliez-le, parce que cela ne veut rien dire. Sa seule faiblesse réside en quelques fantômes, quelques actions et souvenirs qu'elle aurait aimé pouvoir oublier, mais qui ressurgissent à intervalles réguliers, faisant d'elle un être froid, tremblant et pitoyable, une loque larmoyante et inapte à la vie. C'est ce qu'on appelle une dépression chronique, et ça se lutte à grand renfort de lame de rasoir... SABOTAGE •

Petite, trop petite. Menue, trop menue. Ténébreuse, beaucoup, beaucoup trop ténébreuse. Skye est ce qu’on appelle communément un « petit bout de femme ». Elle est mince, voir maigre, sa silhouette tend même vers le malingre… Sa peau pâle, ses forces délicates et ses cheveux noirs n’arrangent rien à ce portrait macabre. Toujours vêtue de noir, trop maquillée pour que ce soit harmonieux, elle flotte et se perd dans ses vêtements immense et informe. Skye se fiche assez de son apparence, elle a plus tendance à se cacher, à se faire discrète. La tenue de base de la demoiselle se résume à un t-shirt manches longues, une jupe en tulle et coton, des collants opaques et une paire de DocMartens, le tout couleur encre. Oh ! N'essayer même pas de lui faire lâcher son perfecto en cuir, c'est signer votre arrêt de mort. A croire que deux ans dans la rue détruisent toute forme latente de coquetterie et de féminité. Mais elle est jolie, malgré tout. Oui, une fois passé le côté grunge, vous trouverez quelques taches de rousseur clairsemant son nez fin, et avec un peu de chance, il se pourrait même qu’un sourire rosé éclair ce visage en cœur. Ou pas… Ses bras sont bardés de cicatrices, toutes volontaires, qu’elle cache par un monceau de bracelets, chinés à droite et à gauche. Ses cheveux seraient luxuriant et beaux, pleins de magnifiques anglaises naturelles si seulement elle avait le temps et l’occasion de s’en occuper… Petite fille d’outre tombe, attention à ne pas tomber dans ses yeux, beaucoup trop bleus pour votre sécurité •

Parents divorcés, enfance traumatique quelque part entre Vancouver et Edmonton, début d’adolescence tourmentée par la mort violente et subite d’une mère qu’elle n’aimait pas, suivi du suicide de sa grand-mère. S’enchainent ensuite de manière floue les événements suivants : rapatriement chez son père, décès de ce dernier, tutelle avec son oncle, abus et sévices sexuels, tentative de suicide de Skye, intervention des services sociaux, placement en foyer, violence, drogue, fuite, vagabondage.

A quatorze ans, la petite poupée fragile s’est retrouvée toute seule dans les rues de Calgary, en Alberta, et contrairement à ce que l’on aurait pu penser, elle s’en est tirée plutôt bien. Rencontrant un gang, elle est rapidement devenue la petite protégée, et a appris à se défendre, à se battre et surtout, à se cacher. Plutôt douée pour manipuler les gens, elle devint très vite le pilier pour toutes les affaires frauduleuses de la joyeuse bande de petites frappes avec laquelle elle évoluait. Dormant dans des hangars, des foyers pour sans abris et évitant de justesse plusieurs contrôle de police qui l’auraient à coup sûr fait replonger dans le système chaotique des familles d’accueil, la jeune femme a ainsi fêté son quinzième et seizième anniversaire.

Seulement, la chance ne souris pas toujours… du moins, si on peut parler de chance le cas échéant. Supposons que oui, elle l’aimait bien sa petite vie de larcins et de liberté subtilisée. Mais rien n’est éternel. Un soir, des agents de sécurité de la zone industrielle que le groupe squattait à cru bon de faire en sorte que la jeune femme ne veuille plus jamais remettre les pieds dans l’endroit. Ils étaient deux. Deux hommes, répugnants, gras, sales et plein de sueur. Ils étaient sur elle, à s’acharner sur son corps maigre et enfantin, malgré ses pleures effrayées et ses suppliques hurlées… Le mal était fait quand elle a réussit, grâce à une volonté surhumaine, à saisir le canif qu'elle gardait toujours dans la couture arrière de ses rangers en cuir. Trois coups plus tard, le premier assaillant était mort, allongé sur son corps frêle et partiellement dénudé, alors que le deuxième filait, réalisant soudain que la scène venait d'être filmée par des caméras de surveillance, et que son collègue et comparse libidineux était mort.

Un mois plus tard, elle se retrouvait dans un avion, direction Heathrow, l’aéroport Londonien. Oui, comprenez, elle aurait pu parler. Elle aurait pu révéler les abus qu’elle avait subit, et la police de Calgary n’aime pas du tout ce genre de publicité… Pas plus que le gouvernement Canadien, d'ailleurs. Alors pour qu’elle se taise, pour que personne n’entende jamais ses cris de douleur et de terreur, enregistré sur une cassette de vidéo surveillance, et bien ils l’ont tous simplement expédié là où personne ne viendrait la chercher, là où elle ne pourrait rien dire, et là où elle crèverait en silence, tabassé par un autre caïd… Pathétique vie d’une adolescente échouée, traumatisée et perdue… Du moins, à l'intérieur. La carapace est forte, increvable ou presque, impassible, une forteresse de froideur et de cruauté, un masque laissant à croire que cet homme n'était qu'une victime, et qu'elle l'a tué de sang froid... Bonsoir tristesse, et bienvenue dans la vie de Skye Sabotage •