`Jesus Christ est tellement mort pour rien, j'espère que tout ira bien...

Connaissez vous cette sensation qui vous prend et qui soudain vous donne l'impression que vous n'êtes rien d'autre qu'un foutu saumon entrain de nager à contre-courant ? Ce sentiment qui vous persuade que le monde tourne au ralentie, que les gens se mettent exprès dans votre passage et qu'ils font tout pour vous retarder quand votre seul souhait et de filer le plus rapidement de cette foule répugnante ? C'était exactement ce que Skye était entrain d'expérimenter. Il était dix-sept heures et quatre minutes, la cloche annonçant la fin de la journée de cours venait de retentir et déjà, le couloir était bondé, devenant par là un des pires cauchemars de la petite fille macabre.

Tant bien que mal, elle avançait, jouant des coudes pour se frayer un passage, manquant de hurler à chaque fois qu'une présence masculine se faisait trop intrusive, à chaque fois qu'une promiscuité indésirable s'instaurait et qu'elle ne contrôlait plus. Elle se faisait violence pour ne pas taper, pour ne pas exploser d'un bon coup de livre les abrutis qui la dévisageait alors qu'elle avançait péniblement. Elle marchait s'en vraiment s'en rendre compte vers le casier de Jake, pourtant consciente que ce n'était pas là qu'elle le trouverait. Et surtout consciente qu'elle aurait mieux fait de ne pas le chercher, surtout... Elle allait avoir mal.

Mal, comme l'impact qu'elle venait de se prendre de plein fouet. Pourtant, elle ne l'avait pas vu venir, celui là. Bravo pour l'instinct de survie développer dans la rue, si elle ne pouvait même plus anticiper les bousculades dans un couloir. Toujours est-il qu'elle était à terre et que ses affaires se retrouvaient éparpillées un peu partout. Aussi étonnant que cela puisse paraître, personne ne s'était arrêté mais les gens ne lui marchaient pas dessus pour autant. Elle releva la tête, esquissant un rictus de douleur et dardant un regard colérique et chaotique sur l'importun qui l'avait flanqué à terre.

Elle fut surprise de voir qu'il s'agissait de quelqu'un de grosso-modo son gabarit. Compte tenu du choc, elle s'était attendue au sosie de Jake, mais non. Une petite blonde se tenait là, accroupie, rassemblant ses affaires et celles de Skye, sans la regarder, sans payer attention aux gens autours... Skye se redressa à son tour, se postant à genoux et attrapant ses affaires de manière à s'éclipser le plus vite possible.

Sans faire attention, elle remonta ses manches, réflexe qui survenait quand elle était prise de court et qui dévoilait ses bras diaphanes et trop maigres recouverts de cicatrices rougeâtres et trop nombreuses.

`Tu pourrais faire attention, quand même...

Sa voix était vide, creuse, sans intonation, juste des mots, comme une machine les aurait craché. Elle n'était rien de plus qu'une machine, de toute façon. Un objet sans âme, sans coeur et sans volonté. Une chose...

Angeline & Skye

Angeline sortit de la salle de cours et soupira de soulagement. Enfin sortie ! Elle n’en pouvait plus de ces leçons interminables. Elle réajusta son sac en bandoulière sur son épaule et fouilla un instant dedans à la recherche de son livre de français. Elle se retint de pousser un juron en voyant qu’elle ne l’avait pas sur elle. La jeune fille hésita un instant. Elle pourrait toujours dire qu’elle l’avait perdu, ou que sa colocataire l’avait prit par erreur. Tout valait mieux que se jeter dans la foule de corps des pensionnaires Mayfair. Le problème, c’était qu’elle avait déjà sorti cette excuse au cours d’avant et que quelques heures de colles étaient à la clé si elle n’amenait pas le bouquin cette fois. Elle souffla, agacée et pivota vers la droite en direction des casiers. Angeline marchait vite et bousculait les gens sans même se retourner pour prendre la peine de s’excuser. Elle s’inspira au calme. Il fallait qu’elle cesse de n’énerver pour un rien. Elle ralentit quelque peu le pas et essaya de se fixer sur son objectif. Ses pensées commencèrent à divaguer et machinalement, elle se frotta l’avant-bras couvert de cicatrices rosâtres. Heureusement, un poignet en cuir noir cachait une partie de ses marques. Quelqu’un la bouscula violemment et quand elle se rendit compte que c’était un jeune homme, elle pesta contre lui :

« Tu pourrais regarder où tu marches ! »

Puis, elle reprit son chemin, marchant à grands pas, maintenant vraiment énervée. Elle détestait tout contact avec le sexe opposé. Excepté certain. Son esprit se mit, de nouveau, à dériver. Mais, cette fois, vers quelque chose de beaucoup plus agréable… Si bien qu’elle ne vit pas arriver l’impact. Elle se raccrocha aux casiers et retrouva de justesse l’équilibre. La personne qu’elle venait de bousculer était une jeune femme un peu plus grande qu’elle mais d’à peu près son gabarit. Ses affaires étaient dispersées sur le sol, ce qui fit soupirer Angeline. Elle s’accroupit et commença à rassembler les affaires de la brune. Celle-ci se redressa et remonta ses manches pour l’aider à ramasser les bouquins. Angeline s’arrêtât brusquement quand elle remarqua des cicatrices similaires aux siennes sur les poignets de la jeune femme. Celle-ci déclara platement :

« Tu pourrais faire attention quand même… »

Angeline détacha son regard de ses marques et fixa son regard sur celui de la brune, s’excusant :

« Désolé. J’étais perdue dans mes pensées… Cet endroit lugubre me fait divaguer. »