Le nerf de la guerre... [ Angeline L. Ward]

Angeline & Lucas

« Tu viens nagé où je te fais nagé de force, sa te changera les idées. »

Angeline entendit à peine ces dernières paroles tellement elle était obnubilée par ce qu’il avait dit avant. Elle s’écarta de lui et secoua la tête, ébahie.

« Si je veux le tuer, ce n’est pas par plaisir, ni par vengeance. Mais simplement, parce qu’il le mérite. Je ne suis pas la première à qui il a fait le coup, et sans doute pas la dernière. Je veux juste qu’il arrête, et je ne vois pas d’autres solutions. Peut-être deviendrais-je comme lui… Mais, je m’en fous ! Je n’ai pas ma place ici, Alors que lui, oui. Je vais vraiment gagner mon ticket pour Mayfair si je le tue. Et je n’ai pas dit que j’allais le faire, mais c’est une idée bien tentante. »

Elle soupira de frustration et finit :

« Et toi, tout ce que tu as à me dire, c’est « de venir nager » ? On dirait que c’est comme si je ne t’avais rien dit, comme si tu n’avais pas entendu ! Tu sais ce qu’il m’en coûte de t’avoir dit ça ?! Non, je n’ai pas l’impression… »

Angeline se dépêcha de revenir sur la rive et sortit de l’eau. Elle le regarda un instant, une moue consternée sur les lèvres, puis ferma les yeux, essayant de se reprendre. Elle se mit à grelotter de froid et s’effondra sur l’herbe fraîche, complètement abattue. Comment pouvait-il la blâmer en effet ? Elle aurait dû se faire violer une deuxième fois sans rien dire ? Non. Si ça devait se reproduire, elle le massacrerait avec la même violence. Parce qu’il le méritait. Elle inspira une petite et rapide gorgée d’air et souffla lentement et longuement pour essayer de calmer la crise d’angoisse qui grimpait peu à peu sournoisement en elle, qui s’infiltrait sous sa peau et remplissait à présent tous ses pores. Une boule se noua dans sa gorge et ses mains se mirent à trembler. Elle releva la tête et s’exclama :

« Oh non ! Ça, c’est sur ! Tu ne peux pas me blâmer ! Tu n’en as aucun droit ! »

Angeline & Lucas

Angeline observa Lucas se rapprocher de la rive à travers un voile flou de larmes. Elle essayait de se concentrer sur lui pour éviter qu’une crise d’angoisse trop violente fasse surface. Car, elle le savait. Si cela arrivait, elle serrait obligé de prendre un objet coupant et de se trancher le poignet. La douleur clarifiait son esprit, l’aidait à reprendre conscience de la réalité, mais surtout, elle arrêtait complètement sa crise. C’était sa pire alliée, mais la plus précieuse.

« A ta place je m’attacherais pas trop à moi, j’ai la vilaine habitude de détruire tout ce qui s’approche trop près de la clé de l’énigme qu’est ma tête. »

Au moins, ils se ressemblaient sur un point tous deux. Dès que quelqu’un essayait de la comprendre ou d’avoir sa confiance, elle se renfermait sur elle et envoyait balader la personne à renfort de phrase blessante et de mot insultant. Pour elle, un ami était juste quelqu’un qui pouvait vous blesser sans scrupule et, ça, elle préférait éviter. Elle enfonça ses ongles dans sa paume de main, baissa les yeux et répondit d’un ton monocorde :

« Ton avertissement ne me fait pas peur. Je suis déjà détruite. »

Elle resta un instant, le regard fixant un point invisible, perdue dans ses pensées, avant de prévenir :

« Mais, toi, par contre, si tu ne l’es pas, ne t’approches pas de moi. Malgré nos points de vue qui différent énormément, je t’apprécie. Un peu. Alors, je ne voudrais pas te blesser. »

Il est vrai que malgré leurs différents, Angeline aimait bien Lucas. Le regard du jeune homme était comme le sien, hanté. Mais, il ne montrait jamais aucune faiblesse. Et, il faut bien avouer, il était différent de celui qu’elle imaginait. De celui qu’on associait aux nombreuses bagarres. Cependant, il pouvait très bien porter un masque. Ne pas montrer sa vraie personnalité. En fait, elle était certaine que c’était le cas. Elle pouvait très bien se tromper mais, mieux vaut prévenir que guérir. Elle essaierait d’être un maximum prudente avec lui. Et s’il la blessait, et bien… Elle tenterait une nouvelle fois de recoller les morceaux mais sans être sure d’y arriver. Elle se rendit soudainement compte de ses pensées et elle se leva brusquement. Mais comment avait-elle pu en arriver là ? A être aussi méfiante avec tout le monde ? Elle souffla et passa ses mains sur son visage, frustrée. Avant de river son regard à celui de Lucas et d’affirmer :

« Si tu ignores mon avertissement et que, malgré cela, tu décides de rester avec moi, je te préviens, il va falloir que tu sois patient. »

Angeline & Lucas

" Il faut estimer comme un bien le moindre mal. Machiavel. Il y a longtemps que je me suis détruit moi même, le moment où on sent que l'on c'est perdu dans ses propres actions. Mais au final je n'y est pas perdu au change. La patience est la principal vertu d'un tireur d'élite, et si on m'appelait le loup c'est pas pour rien, jamais je n'abandonnais ma proie. Donc je pense que je vais prendre le risque."

Après lui avoir dit ces mots, Lucas resta immobile, fixant Angeline sans cligner une seule fois des yeux. C’était étrange ; on aurait dit qu’il s’attendait à ce qu’elle fasse quelque chose de complètement insensé, comme se mettre à hurler, et qu’il essayait de ne pas provoquer ce fait. Elle se sentait comme une enfant qu’il ne faut pas quitter du regard, à moins de vouloir provoquer une catastrophe. Un sourire apparut aux bords de ses lèvres à cette pensée. Elle pencha la tête sur le côté, desserra ses poings, libérant sa peau de l’emprise de ses ongles, et lui dit, taquine, un accent enfantin dans la voix :

« Tu sais, maintenant, tu peux te remettre à respirer. Je ne suis pas folle et je ne vais pas me mettre à courir dans tous les sens et à agiter les bras. Regarde-toi, on dirait une statue. »

Elle se releva, toujours avec ce petit sourire innocent dessiné sur le visage. Mais, encore prise de vertiges et toujours le ventre noué d’angoisse, elle vacilla et du poser la main contre le chêne le plus proche d’elle pour ne pas s’écrouler. Elle s’adossa à l’arbre et se laissa reposer contre deux petites minutes, gigotant sans cesse, mal à l’aise, pour essayer de reprendre son souffle coupé. De nouveau calmée, elle se rendit compte que l’écorce, rugueuse dans son dos, lui avait griffé la peau. Elle passa sa main sur les petites coupures en esquissant une grimace de douleur. Elle jura à mi-voix.

« Il n’y a vraiment que moi pour me faire ça ! »

Angeline lâcha un soupir, énervée, et fit craquer ses phalanges. Elle tourna la tête vers Lucas et l’observa un instant. Elle détestait ce qu’elle allait faire mais elle n’avait pas vraiment le choix ; il fallait que quelqu’un regarde son dos. Elle était certaine que si ça ressemblait trop à des blessures comme sur son poignet, sa psychologue croirait que c’était elle-même qui se serait infligé ça. Elle prit une longue inspiration et lâcha :

« Est-ce que tu peux venir voir l’état de mon dos, s’il te plaît ? »

Et maintenant, s’il acceptait, elle n’aurait plus qu’à essayer de rester concentrée et se dire que ce n’était pas quelqu’un d’autre que Lucas s’il la touchait…

Angeline & Lucas

Angeline tressaillit légèrement à son contact, et elle ne put s’empêcher de l’imaginer. Lui et ses mains baladeuses parcourant son corps. Une unique larme coula sur sa joue et elle ferma les yeux. Elle avait eu sa revanche, il ne reviendrait pas. Il fallait qu’elle cesse de penser à ça…

» Non c’est pas grand-chose.

La voix de Lucas la tira de ses lugubres pensées et elle souffla de soulagement. Elle murmura doucement :

» Heureusement. Ma tarée de psy aurait bien encore pu croire que ces blessures étaient voulues.

La jeune fille se retourna et fit face à Lucas. Il se trouvait bien plus près que ce qu’elle n’avait imaginé. Son cœur fit un bond et ses joues s’empourprèrent légèrement d’un discret rouge.

» Merci, chuchota-t-elle.

Ensuite elle se hissa sur la pointe des pieds et colla son corps, presque entièrement dévêtu, contre celui du jeune homme, en passant ses mains derrière sa nuque. Puis, elle ferma les yeux et déposa ses lèvres sur celle de Lucas, faisant doucement glisser sa langue entre, et espérant qu’il ne la repousse pas. Après, elle se recula doucement, rompant le baiser, et le dévisagea. Elle attendait sa réaction avec impatience ; ce n’était pas tous les jours qu’elle faisait le premier pas avec un garçon et elle ne savait pas vraiment comment s’y prendre. Peut-être allait-il mal réagir ? Elle n’en savait rien, et pour peu, elle allait bientôt se ronger les ongles tant l’attente en était insupportable. Elle baissa presque imperceptiblement la tête et leva des yeux inquisiteurs sur lui.